Soumission chimique et vulnérabilité chimique
Suis-je concernée ?
Soumission chimique et vulnérabilité chimique, de quoi parle-t-on ?
La soumission chimique est l’administration d’une substance psychoactive à l’insu des victimes ou sous la menace à des fins criminelles ou délictuelles. Elle se distingue de la vulnérabilité chimique qui désigne un état de fragilité induit par la consommation volontaire d’une substance psychoactive ayant rendu la personne plus vulnérable à une agression.
Ces deux modes opératoires se regroupent sous le terme plus générique d’agressions facilitées par les substances et constituent tous deux des facteurs aggravants pour l’agresseur.
Que sont les substances psychoactives utilisées et quels sont leurs effets ?
Plus d’une centaine de substances psychoactives peuvent être utilisées en soumission chimique, notamment des médicaments (antihistaminiques, sédatifs, benzodiazépines, antidépresseurs, opioïdes…) mais également d’autres substances comme la MDMA, la cocaïne, la 3-MMC, la kétamine ou encore le GHB (surnommé « drogue du violeur » bien qu'il ne soit pas le seul utilisé). Le plus souvent, ces substances sont administrées à travers des boissons ou des aliments …
Dans le cadre de la vulnérabilité chimique, les agressions sont majoritairement perpétrées sur des victimes ayant consommé de l’alcool et/ou du cannabis.
Ces substances psychoactives, en agissant sur le cerveau, provoquent des modifications psychiques et comportementales, telles que des somnolences, des vertiges, des pertes de mémoire, une désinhibition, de la confusion. Autant d’effets recherchés par l’agresseur pour réduire ou annuler les capacités de défense des victimes et faciliter leur passage à l’acte. Dans les deux cas, l’agresseur exploite les altérations mentales de la victime pour commettre des agressions sans laisser de souvenir. En détériorant la mémoire des victimes, les agresseurs visent également à se protéger en rendant plus difficile un dépôt de plainte subséquente (les souvenirs concernant la description de l’agresseur, les circonstances et lieux de l’agression étant rendus flous voire inexistants).
L’utilisation de substances peut aussi être une stratégie pour instaurer une emprise directement fondée sur une addiction à des psychotropes provoquée ou alimentée par l’exploiteur. Cette emprise est renforcée par le fait que la fourniture des substances (cannabis, médicaments ou autres produits détournés de leur usage) aux victimes est réalisée par l’exploiteur lui-même. L’emprise chimique devient alors un moyen de contraindre des personnes en situation de vulnérabilité à commettre des délits ou des crimes ou à se mettre en danger.
Des violences sexistes et sexuelles facilitées par des substances psychoactives
Dans le sillage du mouvement #MeToo, les agressions sexistes et sexuelles facilitées par l’absorption non consentie de substances psychoactives ont été mises en lumière d’abord dans le cadre d’événements festifs (« #balancetonbar») puis dans celui de la sphère privée (affaire concernant la députée Sandrine Josso révélée par elle-même, procès des violeurs de Gisèle Pélicot). Une campagne de sensibilisation du CRAFS, de la Société Francophone des Scientifiques Pharmaceutiques Officinales, de l’Ordre national des Pharmaciens et de l’association #MendorsPas, soutenue par le Secrétariat d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes a été lancée à l’issue du mouvement #MendorsPas en mai 2023 afin de lutter contre la soumission chimique, informer et sensibiliser à travers des actions de communication et l’organisation de formations à destination du grand public, des professionnels, des institutions publiques ou privées.
Le CRAFS est à ce jour la plateforme référente de Santé Publique qui informe sur les substances utilisées en soumission chimique , leurs délais de détection, les analyses à réaliser et autre recueil de preuve.
Qui peut être victime ?
L’enquête nationale annuelle, réalisée par le Centre d’Évaluation et d’Information sur la Pharmacodépendance et d’Addictovigilance (CEIP-A) de Paris, a enregistré 1 229 cas[1] d’agressions facilitées par les substances (AFS) en 2022, ce qui représente une augmentation de 69 % par rapport à 2021.
Parmi ces cas, 8 % correspondent à des situations de soumission chimique vraisemblable, 64 % à des cas de soumission chimique possible, et 28 % à des situations de vulnérabilité chimique constatée. La région Ile de France est concernée par 51% des cas, suivie par les Hauts-de-France.
Pour la soumission chimique vraisemblable, plus de 80 % des victimes sont des femmes et des filles. Les victimes sont âgées de 9 mois à 90 ans, avec un âge médian de 24 ans. Les médicaments sédatifs sont les substances les plus fréquemment impliquées (57 %), suivis par les substances non médicamenteuses, en particulier les stimulants tels que la MDMA. Concernant la vulnérabilité chimique, les victimes âgées de 13 à 69 ans sont essentiellement des femmes et des filles (91 %). Au total, les femmes et filles représentent 89 % de l’ensemble des victimes de soumission chimique vraisemblable et de vulnérabilité chimique. Dans près de la moitié des cas (43 % en 2022), l’auteur est connu de la victime.
Pour la vulnérabilité chimique, le lieu de la consommation et le lieu de l’agression diffèrent dans plus d’un tiers des cas. Dans tous les cas, en 2022, 41 % des agressions ont eu lieu dans des lieux privés (dont 79 % au domicile).
[1] Ces données sont très probablement largement sous-estimées en raison de la méconnaissance de ces procédés par les victimes et de la faible judiciarisation des cas.
Quelques conseils pour minimiser les risques d’agression facilitées par les substances :
- dans la mesure du possible, rester en groupe, être accompagné par des amis qui "veillent" et peuvent réagir en cas de danger ;
- avoir un membre du groupe qui ne boit pas ou ne consomme pas de substances et pourra ramener ses amis et amies ;
- ne pas quitter son verre des yeux, ne pas accepter de verre de la part d’un inconnu ou d'une inconnue. Il est également possible d’utiliser des couvercles ou protèges verre anti-drogue ;
- contrôler sa consommation d'alcool (en ayant à l’esprit que l'effet des médicaments augmente lorsqu'on consomme de l'alcool) ;en cas de doute ou d’agression, il est important de parler de ce qui est arrivé, à des personnes de confiance et à des professionnels et professionnelles de santé qui pourront écouter et accompagner chaque victime de soumission chimique ou de vulnérabilité chimique.
A QUI M'ADRESSER ?
17
La police et la gendarmerie
114
En remplacement du 15, 17 et 18 pour les personnes sourdes, malentendantes, aphasiques, dysphasiques
112 - Les services d'urgence européen
15 - Les urgences médicales (SAMU)
18 - Les pompiers
Ces numéros d’urgence sont gratuits et peuvent être composés à partir d’un téléphone fixe ou portable, même bloqué ou sans crédit.
3919
Violences Femmes Info
C’est un numéro
d’écoute national destiné :
- aux femmes victimes de violences
- à leur entourage
- aux professionnels concernés
Anonyme et et gratuit, il est accessible depuis un poste fixe et un mobile en métropole et dans les DOM.
Ce numéro permet d’assurer une écoute et une information, et, en fonction des demandes, effectue une orientation adaptée vers dispositifs locaux d’accompagnement et de prise en charge. Le 3919 n’est pas un numéro d’appel d’urgence.
Sur la plateforme de signalement vous pouvez échanger avec des policiers ou des gendarmes spécialement formés aux violences sexistes et sexuelles qui peuvent déclencher des interventions. Anonyme et gratuit, ce tchat est accessible 24h/24 et 7j/7.
A tout moment, vous pourrez quitter rapidement le tchat et l'historique de discussion pourra être effacé de votre ordinateur, téléphone portable ou tablette.
Ce que dit la loi
L’article 222-30-1 du code pénal indique :
« Le fait d'administrer à une personne, à son insu, une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende.
Lorsque les faits sont commis sur un mineur de quinze ans ou une personne particulièrement vulnérable, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 € d'amende. »
Je suis témoin, je peux agir
Vous assistez à une agression
Lorsque que vous êtes témoin d’une violence sexiste ou sexuelle, certains réflexes simples et actions concrètes peuvent faire la différence. Votre intervention doit dépendre de la dangerosité de la situation.
Une victime s'est confiée à vous
Qu’il s’agisse de violences au sein du couple ou de violences sexistes et sexuelles sous toutes leurs formes, lorsque qu’une femme vous relate les faits dont elle a été victime, qu’ils aient cessé ou non, certains réflexes simples et actions concrètes peuvent faire la différence. Votre intervention doit respecter la parole et les choix de la victime.
Des conseils pour ma sécurité
Vers qui se tourner si on est victime ou témoin ?
En cas d’urgence, appeler le 17 ou le 114 (numéro d’urgence pour les personnes sourdes, sourdaveugles, malentendantes et aphasiques).
Pour les femmes en situation de violences, appeler le 3919 Violences Femmes Infos, anonyme et gratuit, 7J/7, 24h/2, numéro d’écoute et d’orientation.
Le CRAFS (Centre de Référence sur les Agressions Facilitées par les Substances) est la plateforme ressource de référence sur la soumission et la vulnérabilité chimiques: https://lecrafs.com
Elle est consacrée spécifiquement à l’orientation des victimes et à l’accompagnement des professionnelles. Le dispositif offre un service de téléconseil spécialisé et personnalisé (renseignement sur les substances utilisées, leurs délais de détection, aide à la conservation des preuves, orientation vers le circuit de prise en charge etc.).
Attention : pour détecter la soumission chimique, il est nécessaire de procéder à des prélèvements toxicologiques très rapidement après l’agression, car les substances psychoactives s’éliminent rapidement de l’organisme. L’engagement rapide des démarches est donc essentiel pour la collecte des preuves.
En savoir plus sur le mouvement et l’association #MendorsPas, soutenue par le Secrétariat d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes :
#MendorsPas